Posted on 06 December 2018
Lors de la conférence sur les 40 ans d’élections du Parlement européen au suffrage universel, Pat Cox a prononcé un discours : « Je suis ici, tout d’abord pour reconnaître et remercier l’Institut universitaire européen d’avoir organisé un évènement marquant ces 40 années d’élections au suffrage universel du Parlement européen, et qui permet un temps de réflexion. » a-t-il déclaré. « Nous nous rendons également compte que nous vivons dans une Europe très contestée, plus fragmentée et plus nationaliste, et que nous partageons ici l’opportunité d’anticiper ce que ces mouvements signifieront pour les élections de 2019. Je pense que la combinaison dans cette conférence d’intervenants du monde académique, politique et administratif a créé un mélange riche et intéressant, et apporte beaucoup de consistance et de nuance à l’histoire. »
Lors d’une interview en privé avec Pat Cox, nous avons parlé de ses souhaits pour l’avenir de l’Europe et abordé des problématiques sensibles, comme la difficulté de communiquer autour des actions de l’Union européenne. De plus, Monsieur Cox a lancé un message aux jeunes européens : peu importe votre orientation politique, prévient-il, ne prenez pas la démocratie pour acquis.
Monsieur Cox, que souhaitez-vous pour l’avenir de l’Union européenne ?
Je crois que mon souhait le plus cher pour l’avenir de l’Union européenne est, tout d’abord, que nous devrions apprécier le fait d’avoir une Union européenne. Ses défauts sont nombreux, je ne vais pas m’y étendre. Nous faisons face à ces défis mais nous devons nous rendre compte que nous avons créé avec cette Union quelque chose de très précieux qui est résistant, mais qui, comme de la très délicate porcelaine de Chine, est potentiellement très fragile. Nous sommes témoins pour la première fois depuis la déclaration Schuman de mai 1950 d’un acte de désintégration avec le Brexit. Je ne prédis pas qu’il s’agit de la première étape dans la chute d’un château de cartes, mais le fait que cela se soit produit est une rupture avec le passé. Nous devons réapprendre à apprécier la véritable valeur des nombreuses réalisations que nous pouvons mieux concrétiser ensemble, même s’il reste des choses encore que nous choisissons et souhaitons réaliser séparément.
Y a-t-il quelque chose que vous auriez fait différemment par le passé à cet égard, en tant que président du Parlement européen ou en tant qu’homme politique?
Pas vraiment. Mon mandat s’est terminé il y a quelque temps déjà. J’ai choisi de ne pas me représenter aux élections, ayant eu le privilège d’être président parlementaire - ce qui s’est conclu pour moi à l’été 2004. Les trois ambitions qui guidaient ma présidence étaient ce que j’appelais la « Réunification de l’Europe », c’est-à-dire le processus d’élargissement ; la deuxième était la réforme du Parlement, et plus particulièrement à cette période l’ambition d’avoir un statut pour ses membres et de réformer leurs dépenses. Je suis absolument satisfait du travail réalisé, qui a permis à mon successeur, quelques semaines après sa prise de fonction, de clore ces dossiers. Et la troisième était ce que j’appelais « reconnecter l’Europe », qui était la communication avec les citoyens.
Je n’ai pas de regrets. J’ai travaillé inlassablement pour communiquer. Mais la communication vers un public de masse différencié reste un défi de taille pour l’Europe. Le Parlement européen est un utilisateur particulièrement avancé de chaque plateforme de réseau social disponible, mais la vérité est bien là : tout comme nous avons des tsunamis d’information, nous avons en parallèle, paradoxalement, de grands réservoirs de déconnexion. Tenter de communiquer sur quelque chose qui, dans l’opinion publique, est perçu comme complexe et opaque malgré des années passées dans ce système reste un défi fondamental auquel nous n’avons pas trouvé de réponses simples ou satisfaisantes.
Que suggéreriez-vous à un jeune européen aujourd’hui ?
Je voudrais dire à un jeune européen aujourd’hui, qu’il soit orienté politiquement de gauche ou de droite, libéral ou écologiste, ou quoi d’autre encore, de ne pas prendre la démocratie pour acquis. La démocratie ouverte et pluraliste, la démocratie libérale, n’est pas la norme dans l’histoire de l’humanité mais son apogée. Le grand défi est que chaque génération doit trouver sa propre inspiration pour redécouvrir certaines vérités fondamentales qui valent la peine d’être tenues pour éternelles et défendues. Je crois qu’il s’agit là du défi auquel les jeunes européens doivent faire face. J’ai cité ici aujourd’hui « Il Gattopardo », qui contient cette phrase juste: « Tout doit changer pour que tout reste pareil ». Alors, à ces jeunes gens, je leur dirais sentez-vous libre de changer ce qui vous déplaît, mais ne perdez pas foi en une démocratie pluraliste et ouverte. Et enfin, chérissez l’identité plurielle qui vous permet d’être qui vous êtes, fière de vos origines mais avec un sens de l’identité intact par votre appartenance dans une communauté au destin plus large.
Un photoreportage de la conférence « 40 ans d'élection du Parlement européen au suffrage universel » est disponible ici.
A lire :
«‘World peace cannot be safeguarded without the making of creative efforts proportionate to the dangers which threaten it’ is the opening sentence of the Schuman Declaration of 9 May 1950. After seven decades of peace on our old continent that proposition may have lost some of its resonance for younger Europeans but certainly none of its relevance…». Télécharger le discours du Président Cox ici.