L'inventaire analytique des 323 dossiers de procédure des archives de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), concernant 385 affaires dont elle a été saisie en 1989, est disponible dans la banque de données des AHUE. Quatre arrêts rendus dans le cadre de ces affaires de 1989, particulièrement significatifs et concernant des principes importants du droit communautaire tels que la primauté du droit communautaire, l'effet indirect et la liberté de circulation, sont résumés ci-dessous.
Primauté du droit de l'UE
Le principe de primauté du droit européen sur le droit national est l'un des principes fondamentaux de l'ordre juridique de l'UE. Non inscrit dans les traités de l'Union, il a été développé au fil du temps par la jurisprudence de la CJUE.
En 1989, la Cour a été saisie de deux affaires particulièrement importantes à cet égard: The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte: Factortame Ltd e.a. (Affaire C-213/89), et The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte Factortame Ltd et autres (Affaire C-221/89), affaires respectivement connues sous le nom de « Factortame I » et « Factortame II ».
Dans la première affaire Factortame, la société de pêcheurs espagnols Factortame Ltd, a contesté la loi britannique sur la navigation marchande de 1988 (Merchant Shipping Act 1988), qui interdisait l’immatriculation des navires étrangers sous pavillon britannique, limitant ainsi leur droit de pêche. Factortame a fait valoir que cette loi violait les principes de non-discrimination du droit communautaire ainsi que le droit des citoyens et des entreprises de l'Union de s'établir ou de participer à des activités partout dans l'UE.
Les tribunaux britanniques avaient d'abord douté de la possibilité de suspendre une loi du Parlement, en l’occurrence la loi sur la navigation marchande, pour faire respecter le droit communautaire. La Chambre des Lords a renvoyé l'affaire devant la Cour, qui a statué que les tribunaux nationaux devaient écarter les dispositions législatives nationales susceptibles d'empêcher, même provisoirement, le droit communautaire de produire tous ses effets. Si une juridiction nationale, saisie d'un litige régi par le droit de l'Union, est empêchée - par une règle de droit national - d'accorder des mesures provisoires qui assureraient la pleine efficacité des droits garantis par le droit de l'UE, alors la pleine efficacité du droit communautaire serait compromise. La Chambre des Lords a donc suspendu les dispositions restrictives de la loi sur la navigation marchande.
L’affaire Factortame II (C-221/89), s'inscrit dans le prolongement des principes établis dans première affaire Factortame. La société a contesté la loi en ce qui concerne les restrictions imposées à l'immatriculation et à l'exploitation de navires étrangers (en l'occurrence, espagnols) au Royaume-Uni, en faisant valoir qu'il s'agissait d'une violation des règles du droit communautaire.
Le Royaume-Uni a porté l'affaire devant la Cour pour un contrôle juridictionnelle afin qu'elle puisse statuer sur la question. La Cour a statué en faveur de Factortame Ltd, déclarant que la loi de 1988 violait effectivement les principes communautaires de non-discrimination et de liberté d'établissement.
Effet indirect
L'effet indirect est un principe du droit de l'Union européenne qui exige des juridictions nationales qu'elles interprètent le droit national dans toute la mesure du possible en conformité avec les dispositions du droit de l'Union européenne. Ce principe a notamment été confirmé dans l’arrêt de la Cour dans l'affaire Marleasing SA contre La Comercial Internacional de Alimentacion SA (C-106/89).
Dans cette affaire Marleasing SA avait intenté une action en justice en Espagne contre La Comercial Internacional de Alimentación SA, invoquant que cette dernière avait été créée dans le seul but d'escroquer les créanciers. Si cela s’avérait, selon le code civil espagnol, le contrat établissant la société serait annulé. La juridiction nationale a renvoyé l'affaire devant la CJUE parce que la loi espagnole semblait être en conflit avec certaines dispositions de la directive 68/151/CEE, qui visait à harmoniser le droit des sociétés dans l'ensemble de l'UE.
La question juridique était de savoir si la directive exigeait des tribunaux nationaux qu'ils interprètent le droit national conformément aux objectifs de la directive, même si le droit national était antérieur à celle-ci. Dans son arrêt, la Cour a énoncé que les juridictions nationales sont tenues d'interpréter le droit national, autant que possible, d'une manière conforme au libellé et à l'objectif de la directive UE concernée. Ce principe s'applique indépendamment du fait que la loi nationale ait été adoptée avant ou après la directive.
L'arrêt Marleasing a fait progresser de manière significative la doctrine de l'effet indirect, en garantissant que les lois nationales soient interprétées de manière cohérente avec les directives européennes afin de parvenir à une harmonisation entre les États membres.
Libre circulation des travailleurs
L'affaire The Queen contre Immigration Appeal Tribunal, ex parte Gustaff Desiderius Antonissen (affaire C-292/89) est une affaire importante qui traite de l'interprétation de la libre circulation des travailleurs au sein de la Communauté européenne, et en particulier du droit de séjour pour les personnes à la recherche d'un emploi.
Gustaff Desiderius Antonissen, citoyen belge vivant au Royaume-Uni, était en recherche d’emploi lorsque les autorités britanniques ont ordonné son expulsion suite à l’écoulement du délai de six mois prévus par la législation nationale pour trouver un emploi. M. Antonissen a contesté cette décision, affirmant qu'elle violait les droits que lui confèrent les dispositions communautaires.
La High Court of Justice du Royaume-Uni, Queen's Bench Division, a saisi la CJUE d'une question préjudicielle pour savoir si le droit à la libre circulation des travailleurs prévu à l'article 48 du traité CEE (aujourd'hui article 45 du TFUE) incluait le droit pour un ressortissant de CEE de résider dans un État membre pendant une période raisonnable pour y chercher un travail, et si les État membres pouvaient limiter l’exercice de ce droit dans le temps.
Selon la CJUE, le principe de la libre circulation des travailleurs reconnait le droit des ressortissants d’un Etat membre de se rendre sur le territoire d’un autre État membre pendant une période raisonnable pour y chercher un emploi. La Cour a reconnu qu'une période de six mois pouvait être considérée comme raisonnable, mais a suggéré que le droit de séjour pouvait s'étendre au-delà de cette période si la personne recherchait activement un emploi et avait de réelles chances d'en trouver un.
Cet arrêt a confirmé que les demandeurs d'emploi dans l'UE ont le droit de chercher un emploi dans tous les États membres sans être soumis à des restrictions injustifiées.
Les archives historiques de la Cour aux AHUE
Les archives historiques de la Cour de justice des Communautés européennes sont consultables en ligne selon les conditions d'accès indiquées dans l’inventaire.